L’ultime humiliation
Titre original : H’Akpα Tαπείvωση
Kastaniotis Editions, Athènes 2015
Traduit du grec au français par Loïc Marcou
Cambourakis 2017
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Née à Héraklion en 1947, outre ses études en histoire et en architecture, c’est en tant que poète que Rhéa Galanaki fait ses premiers pas sur la scène littéraire. Puis elle publie des nouvelles et éventuellement plusieurs romans dont certains, traduits en diverses langues, ont traversé les frontières de son pays natal.
Sorti en 2015, soit environ trois ans après les évènements qui l’ont inspiré, L’ultime humiliation, revisite et met en perspective ce qu’on a appelé ‘la crise grecque’.
S’appuyant sans doute sur ses acquis en histoire et en architecture ainsi que sur l’expérience tirée de l’écriture des romans qui ont fait sa renommée, c’est dans une sorte d’amalgame de réalisme et d’histoire (mythologie, littérature, architecture, politique), adoptant un ton tantôt poétique tantôt descriptif, que l’auteure nous sert cette transcription fictive d’un chapitre de l’histoire contemporaine de la Grèce.
Distribué en trois volets, le récit s’ouvre donc à Athènes en 2011-2012 et nous plonge dans le quotidien d’une poignée de personnage : Tirésia et Nymphe deux retraitées dont les pensions sont ni plus ni moins que tronquées par un état qui ne sait plus comment gérer sa dette; Catherine, une veuve d’origine crétoise qui peinant à joindre les deux bouts se rapproche des deux dames; Danaé, travailleuse sociale et mère célibataire vivant dans l’incertitude du lendemain; quelques sans-abris naviguant parmi la jungle de la rue; des immigrants repoussés jusque dans leurs derniers retranchements ; quelques représentants d’une jeune génération piquée à vif, etc. Autant de victimes d’un mal dont les causes continuent d’être disputées encore aujourd’hui.
Epousant un point de vue humaniste, c’est au travers de ces personnages que dans un premier temps le récit dresse un portrait intimiste de la situation prévalant à l’époque. Puis, emboitant le pas aux héroïnes et héros de ce drame moderne, la seconde partie du roman nous entraîne dans le feu de l’action, à savoir au cœur de la grande manifestation qui aura ébranlé la capitale grecque en février 2022. Enfin, opérant un petit saut dans le temps et sans véritablement rendre compte de l’évolution de la situation, la dernière partie du roman pose un regard plus ou moins distant sur les évènements tels qu’ils furent vécus par les personnages, et retrace ainsi ce que fut leur expérience de l’après crise.
Ambitieux si l’on considère qu’il aurait été composé à chaud et donc avec peu de temps de recul, ce roman m’a cependant semblé souffrir d’une hésitation au niveau du genre auquel il souhaite adhérer qui se réflète à divers niveau.
Ainsi, témoignant tantôt d’un penchant pour la poésie qui s’exprime notamment à travers de jolies figures de styles, et tantôt d’une volonté d’introduire des faits et d’ainsi dresser un portrait qui soit à la fois instructif et réaliste, la prose m’a semblé de nature et de qualité inégale.
De la même façon, tandis que certains passages brillent par leur beauté lyrique, d’autres, visiblement conçus pour portraiturer la réalité, semblent avoir été brutalement transplantés au milieu d’un fil fictif qui ne parvient pas toujours à les absorber.
Enfin, fidèles représentants des principales victimes de cette crise et répondant tout aussi fidèlement aux impératifs du récit, les personnages, tant par les divers traits qui les caractérisent que par leur comportement, m’ont parfois semblé inconsistants, caricaturaux, voire peu crédibles.
Nonobstant ces faiblesses j’ai trouvé l’ensemble plutôt bien ficelé et globalement, sans être exhaustif ni objectif, L’ultime humiliation parvient à dresser un portrait à la fois humaniste, réaliste et accessible de cette crise dont les retombées sont encore bien visibles aujourd’hui.
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